Métha 4 Agri lance son circuit court énergétique

A Pressins (38), le site de methanisation Méthafor4Agri va permettre d'alimenter en biométhane quatre communes environnantes. ©GRDF

Publié le 19/03/2024

7 min

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À Pressins, dans l’Isère, le douzième site de méthanisation du département a été inauguré le 14 mars. Une unité de méthanisation agricole baptisée Métha 4 Agri qui s’offre une première sur notre territoire : celle d’avoir été conçue et construite intégralement par des entreprises locales, en Savoie et en Isère. Une unité 100 % autonome en intrants, qui alimentera en gaz renouvelable quatre communes environnantes et qui illustre particulièrement bien cette logique de circuit court si importante pour assurer davantage de souveraineté à nos territoires.

Par Laura Icart

 

Le site Métha 4 Agri a injecté ses premières molécules de biométhane dans le réseau de GRDF en février, sept ans après le lancement du projet. Un véritable aboutissement pour les quatre exploitations en polyculture et élevage laitier qui ont porté ce projet. « C’est une fierté pour nous d’avoir pu concrétiser cette démarche 100 % locale, où toute la valeur ajoutée reste sur le territoire » souligne Henri Pégoud, agriculteur et président de la SAS Metha 4 Agri. L’Isère est un département particulièrement dynamique en région Auvergne-Rhône-Alpes pour l’injection de biométhane avec 12 sites en service et une puissance installée de 166 GWh par an, soit environ 25 % de la puissance régionale actuelle.

Une première en France

C’est la première fois en France qu’une unité de méthanisation est « pensée et construite » avec une telle proximité, nous confie les porteurs du projet. Toutes les exploitations agricoles sont situées à moins de 4 kilomètres du méthaniseur et les entreprises mobilisées pour la construction sont situées dans un rayon de 35 kilomètres entre la Savoie et l’Isère. Cette unité, qui représente un investissement de 5,5 millions d’euros, a bénéficié de plusieurs soutiens financiers : celui de la région, du département mais aussi de l’Agence de la transition écologique (Ademe) à hauteur d’environ 1 million d’euros. « De l’argent qui reste sur le territoire au profit d’entreprises locales » souligne Henri Pégoud pour qui cette dimension locale « a toujours été un facteur essentiel du projet ». L’actionnariat est réparti à parts égales (22,5 %) entre les exploitations. Les 10 % restants sont détenus par l’entreprise savoyarde Méthalac et plus précisément de la société Team du lac qui regroupe plusieurs cadres dirigeants de Méthalac souhaitant investir dans le développement de projets de méthanisation, quand les porteurs de projet en font la demande. « Nous sommes fiers d’avoir contribué à ce projet » indique à Gaz d’aujourd’hui Laurent Pauchard, président de Méthalac et Team du lac. « Un projet pragmatique qui s’est fait en parfaite synergie avec les acteurs du territoire » nous précise-t-il, alors que la société pourrait monter au capital de plusieurs autres projets de méthanisation en France.

Une autonomie complète

En termes de durabilité, le site Métha 4 Agri coche toutes les cases, alimenté par des gisements issus des quatre exploitations à l’origine du projet, composés de 50 % d’effluents d’élevage et de 50 % de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cives) cultivées elles aussi sur les exploitations. Le méthaniseur va valoriser près de 10 500 tonnes d’intrants agricoles pour produire 9 GWh par an de biométhane qui alimentera directement les logements et les bâtiments publics des communes de Pressins, les Abrêts, Charancieu et Pont-de-Beauvoisin. Une production « équivalente à l’alimentation en gaz renouvelable de plus de 2 200 logements neufs » indique GRDF. Initié il y a sept ans, ce projet, qui a été repensé plusieurs fois, a dû faire face à de nombreuses difficultés inhérentes au développement de projets d’énergies renouvelables en France, avec comme souvent la question de l’acceptabilité, « même si une réunion publique et de la pédagogie ont permis d’apaiser certaines tensions » note Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie à la chambre d’agriculture d’Isère et référent énergie pour la chambre d’agriculture régionale. « Les préoccupations et les questions des habitants sont légitimes et les porteurs de projets sont là pour y répondre » ajoute-t-il. Mais aussi des questions financières avec, en l’espace de quatre ans, une crise pandémique, une crise énergétique et un changement du règlement ICPE qui « a accentué les difficultés à trouver la bonne équation économique » note Sébastien Pégoud, agriculteur également associé au projet. Plusieurs raisons ont poussé les porteurs du projet à se lancer dans la méthanisation : la valorisation des effluents, la diversification des revenus « nous espérons un doublement de notre revenu grâce à la méthanisation » précise Henri Pégoud -, une réduction des coûts des engrais grâce au digestat, fertilisant issu de la méthanisation et une volonté de participer à un projet qui contribue à la décarbonation du territoire. Qui plus est, grâce à la méthanisation qui induit de nouvelles pratiques culturales, « les sols sont couverts toute l’année avec des effets bénéfiques sur la vie du sol » insiste Sébastien Pégoud.

Une région à haut potentiel de développement

En fin d’année, de nombreux acteurs ont renouvelé leurs ambitions communes de développer le biogaz avec la signature d’une nouvelle charte « Ambitions biogaz 2028 ». Si la région n’est pas la première productrice de gaz renouvelables en France (670 GWh par an de capacité à date), elle est celle où l’écosystème industriel autour des gaz verts est le plus développé. La région Auvergne-Rhône-Alpes est un vivier d’emplois pour la filière gaz verts en France avec 35 000 emplois créés, un écosystème de 400 entreprises dont 200 ont une activité directe en lien avec le biogaz. Berceau de plusieurs start-ups devenues de pépites françaises et qui s’exportent à l’international, le territoire rhodanien possède l’intégralité de la chaîne de valeur de production des gaz renouvelables sur son sol pour une filière dont la valeur ajoutée se trouve essentiellement en France (70 %) et pour 90 % en Europe. Si l’on tient compte du gisement et de la trajectoire définie dans la stratégie nationale pour la biodiversité (SRB), la méthanisation est la troisième source d’énergie renouvelable en région (après le bois et le photovoltaïque) à horizon 2035 avec « un gisement mobilisable pour la méthanisation d’environ 12 millions de tonnes » selon une étude de Solagro. Ce gisement permettrait une production de 5,5 TWh de biogaz par an, « dont près de 4 TWh par an de biométhane injecté » précise Guilhem Armanet, direc­teur clients terri­toires de GRDF Sud-Est. En Isère, la part du gaz renouvelable dans la consommation représentait sur les neufs premiers mois de l’année 2023 environ 1,5 % de la consommation départementale de gaz, mais « près de 15 % des consommations résidentielles ».

En Auvergne-Rhône-Alpes comme dans l’Isère, la méthanisation est « particulièrement soutenue » estime Jean-Paul Sauzet, « car elle a des effets bénéfiques sur les exploitations agricoles ». Même si des freins existent encore selon lui, « la pression foncière », « le coût des projet » ou encore  « l’acceptabilité », le potentiel est bien réel bien qu’il « diffère d’un département à l’autre, notamment dû à des pratiques d’élevage différentes ». Du côté de Pressins, les mentalités semblent avoir « évolué »  nous confie Henri Pégoud :  » Avec la guerre en Ukraine, les gens se disent qu’une énergie et des fertilisants locaux, c’est peut-être pas si mal. »  En France, la filière du biométhane estime qu’elle pourrait couvrir jusqu’à 20 % de la consommation nationale de gaz à horizon 2030. La stratégie française dévoilée en novembre table sur 15 %.