Michel Barnier nommé Premier ministre

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Publié le 05/09/2024

6 min

Publié le 05/09/2024

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Après plusieurs semaines de consultations, la fumée blanche est apparue en fin de matinée à l’Élysée. Emmanuel Macron a finalement nommé Michel Barnier, homme de droite, membre des Républicains et ancien ministre sous François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, à Matignon. Dans un contexte politique et parlementaire particulièrement incertain, le nouveau Premier ministre devra trouver « une majorité » pour gouverner  et s’atteler à préparer le budget. 

Par Laura Icart

 

La France accueille ce 5 septembre le troisième Premier ministre de cohabitation que la Ve République ait connu ET le cinquième Premier ministre depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Député, eurodéputé, vice-président de la Commission européenne en charge du commerce extérieur, Michel Barnier devient à 73 ans le plus âgé des Premiers ministres de la Ve République après avoir été le plus jeune parlementaire (27 ans) élu à l’Assemblée nationale en 1978. Il succède à Gabriel Attal, le plus jeune des Premiers ministres qui a salué en la personne de Michel Barnier « un grand élu local à l’expérience quasiment inégalée du service de l’État dans différentes fonctions européennes et internationales ».

« Nous sommes dans un moment grave »

Ancien ministre et commissaire européen, Michel Barnier n’est pas forcément l’homme politique le plus médiatique mais il est un « fin connaisseur des rouages de l’État » assure son entourage, évoquant outre ses mandats locaux et nationaux, sa grande connaissance des institutions européennes, lui qui fut le négociateur en chef du Brexit. « C’est un homme de sang-froid, un fin négociateur » a assuré de son côté Charles Michel, président du Conseil européen. Pour de nombreux observateurs, la nomination de Michel Barnier, c’est aussi un gage donné à Bruxelles alors que la France est dans le cœur du cyclone, rappelée à l’ordre pour sa situation budgétaire mais aussi pour des politiques publiques qui ne permettent pas toutes d’atteindre les objectifs européens, notamment dans le cadre du Fit for 55. En France, les réactions politiques ont été nombreuses : « déni de démocratie et colère » pour le Nouveau front populaire qui s’estime lésé et annonce qu’ils censureront le nouveau Premier ministre ; du côté de l’ancienne majorité, on reste prudent mais on salue « l’expérience » et « l’esprit de consensus » qui anime le nouveau Premier ministre. « Nous jugerons sur pièces son discours de politique générale, ses arbitrages budgétaires et son action. Nous plaiderons pour que les urgences majeures des Français (…) soient enfin traitées » a souligné de son côté le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. Les félicitations sont en revanche plus prononcées dans sa famille politique, de Xavier Bertrand à Laurent Wauquier qui souhaitent un « succès » à Michel Barnier sans manquer de rappeler la difficulté de la tâche qui l’attend.

« Le sectarisme est une preuve de faiblesse »

« Quand on est sectaire, c’est que l’on est pas sûr de ses idées » a déclaré Michel Barnier, ce qui a suscité une pluie d’applaudissements dans la cour de Matignon soulignant que « le sectarisme est une preuve de faiblesse ». Michel Barnier a évoqué son futur discours de politique générale qui devra répondre « aux défis, aux colères, aux souffrances (…) qui traversent beaucoup trop nos villes, nos quartiers et nos campagnes », évoquant « l’accès aux services publics, à l’école qui restera la priorité du gouvernement, à la sécurité du quotidien, à la maîtrise de l’immigration, au travail et au niveau de vie des Français ». « Je veux être un Premier ministre qui dit la vérité » a ajouté le nouveau locataire de Matignon, évoquant la vérité sur « la dette financière et sur la dette écologique qui pèse aujourd’hui lourdement déjà sur les épaules de nos enfants ». Michel Barnier a rappelé l’importance de travailler avec l’ensemble des forces vives du pays et appelé « toutes les bonnes volontés à se mettre au travail ». « J’ai appris dans ma longue vie publique que les bonnes idées venaient de partout, souvent des gens les plus modestes ou les plus simples quand on prend le soin de les écouter » a-t-il précisé tout en appelant à « l’unité » et à « l’apaisement ». Le « pays en a besoin », a-t-il conclut.  

« La liberté va guider mes pas »

« Être Premier ministre, c’est l’honneur d’une vie », a déclaré Gabriel Attal .« Je veux dire aux Français combien je les aime, parce que les Français sont un grand peuple », a-t’il souligné non sans émotion sur le perron de Matignon, insistant sur le sens de l’État des « femmes et des hommes qui travaillent quotidiennement au service de notre pays ». « Huit mois, c’est court, c’est trop court et je ne le cache pas, il y a évidemment une frustration à quitter mes fonctions au bout de huit mois seulement mais il y a aussi le sentiment du devoir accompli dans le temps qui m’a été imparti » a assuré Gabriel Attal. « Dans d’autres circonstances, nous aurions mené ce travail à bon port », a-t-il ajouté, évoquant les grands chantiers structurants, désormais sur le bureau du nouveau Premier ministre : la « désmicardisation » de la France, l’accès aux soins, la sécurité, l’école « la mère des batailles », selon l’ancien ministre de l’Éducation nationale, évoquant l’importance de « continuer à faire de l’école de la République une priorité absolue ». L’école, « l’assurance vie de la République » selon lui, mais aussi le 3e plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) attendu depuis le mois de juin, comme la PPE et la SNBC d’ailleurs, qui doit préparer la France à un niveau de réchauffement à + 4 °C. « Notre pays connaît une situation politique tout à fait inédite. La politique française est malade mais je crois que la guérison est possible à condition que nous acceptions tous de nous placer à la hauteur de cette responsabilité historique, à condition que nous acceptions tous de sortir du sectarisme, à condition que nous acceptions tous de sortir des coups politiques » a souligné Gabriel Attal, donnant une tonalité plus politique à son discours alors même qu’il oeuvre déjà en tant que président du groupe parlementaire Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale. Gabriel Attal a conclu son discours en évoquant de « la liberté », « la plus belle des valeurs ». Difficile de ne pas y voir une référence au président de la République « au moment où je quitte Matignon et peut-être plus encore qu’auparavant la liberté sera au cœur des valeurs qui m’animeront dans les mois et les années à venir » a averti Gabriel Attal qui a promis dans une vidéo partagée sur le réseau social X de continuer « à tisser le lien » avec les Français.