PPE : les filières énergétiques demandent visibilité, équilibre et ambitions

Pour sortir de sa dépendance aux énergies fossiles, la France aura massivement besoin d’électricité décarbonée, de flexibilité, de stockage et d’énergies thermiques renouvelables. ©Shutterstock

Publié le 13/01/2025

8 min

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La consultation de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) et de la stratégie nationale bas carbone (SNBC3) s’est achevée le 16 décembre. L’ensemble des filières énergétiques ainsi que plusieurs instances saisis par le gouvernement y ont participé. Beaucoup d'entre elles regrettent l’absence d’études d’impact et des objectifs non corrélés à un diagnostic financier quand les associations dénoncent « une forme de renoncement sur la sobriété ». La filière gazière regrette un manque d’ambition « criant » sur le développement des gaz renouvelables alors que la filière électrique se prononce pour un plan dédié à l’électrification des usages, qui avance moins vite que prévu. Par Laura Icart   En novembre, le gouvernement de Michel Barnier indiquait une publication du décret de la PPE3 « avant la fin du premier semestre 2025 ». Quasi un mois après la fin de la concertation et alors que la commission nationale du débat public (CNDP) devrait remettre un premier bilan au gouvernement d’ici la fin de la semaine, le projet de PPE3, qui s’inscrit dans la droite lignée de la stratégie française énergie et climat présentée en novembre 2023, a recueilli de nombreux avis, dans des cahiers d’acteurs portés par les filières et les associations. La consultation grand public lancée par le gouvernement a de son côté recueilli plus de 7 600 propositions et 1,2 million de votes. Un diagnostic technico-économique trop absent Saisies pour avis par le gouvernement, plusieurs instances ont déjà rendu leur avis, comme le Conseil national de la transition écologique (CNTE), le Conseil supérieur de l'énergie (CSE), le Haut Conseil pour le climat (HCC) ou l’Autorité environnementale (AE). Au CSE, le 20 décembre, si tous les acteurs ne sont pas forcément d’accord sur le chemin, ils considèrent tous nécessaire de rendre cette « trajectoire soutenable » pour les Français et « compétitive » pour les entreprises en s’appuyant sur la sobriété, l’efficacité énergétique, le développement du nucléaire et le développement des énergies renouvelables. Plusieurs regrets néanmoins ont été évoqués par les filières : « l’absence d’une loi programmatique » votée en amont des textes, comme cela été évoqué mainte fois depuis un an ou encore le « un manque d’adéquation entre les objectifs identifiés dans la PPE3 et les moyens mobilisés, en particulier dans la situation budgétaire actuelle ». La feuille de route énergétique de la France doit être plus ambitieuse en matière de baisse de consommation, juge l'Autorité environnementale. Elle recommande ainsi de "baisser d'au moins 12 % l'objectif 2030 de consommation énergétique finale pour atteindre les objectifs européens" et critique notamment les orientations sur la biomasse. Elle préconise de reconsidérer la hiérarchie des usages de la biomasse en cohérence avec la feuille de route pour l’agenda 2030 et compléter les actions de la PPE3 par des dispositions visant à réduire l’artificialisation des sols et l’érosion de la biodiversité ainsi qu’à protéger et restaurer les puits de carbone. Une trajectoire « qui fait fi du potentiel » des gaz renouvelables Dans la filière gazière, si les principaux acteurs  saluent la publication d’un projet de PPE très attendu pour « enfin avancer », les ambitions en termes de production de gaz renouvelables s’avèrent décevantes post 2030. En effet, la PPE fixe une ambition de 50 TWh (dont 44 TWh en injection) de biogaz en 2030, en dessous du seuil envisagé par la filière fixé à 60 TWh, soit 20 % de la consommation en 2030 mais surtout elle occulte complètement le potentiel des autres technologies de gaz renouvelables (pyrogazéification, gazéification hydrothermale et power-to-méthane) représentant selon les scénarios de la filière 11 TWh sur les 60 évoqués. Des technologies « pourtant essentielles à la décarbonation du système gazier » d’ici la fin de la décennie et au-delà rappelle France gaz qui s’inquiète que la fourchette prévue pour 2035, entre 50 et 80 TWh n’aie aucune cohérence avec les objectifs et la dynamique de développement des projets. La filière table « au regard des ressources mobilisables et en développant au plus tôt les nouvelles filières » sur un objectif de 120 TWh en 2035. Le potentiel réel du gaz vert, qui pourrait selon la filière représenter jusqu’à 40 % de notre consommation en 2035, est « sans cesse questionné », voire « remis en cause » indique GRDF qui « regrette le choix délibéré de faire de l’attaque du réseau de gaz un marqueur politique, malgré l’absence criante d’études d’impact pour en mesurer les effets ». Le gestionnaire du réseau de distribution dénonce une « forme de défiance [vis-à-vis des gaz verts] » et un objectif proposé pour 2035 qui « s’apparente à un signal d’arrêt de la filière » en 2030. « Les gisements de méthanisation sont pourtant estimés à plus de 130 TWh à 2050 » rappelle France gaz renouvelables dans son cahier d’acteurs, qui s’étonne « de l’accent pointé sur le supposé déficit sur les ressources utilisées pour la production de biogaz » et rappelle que plusieurs études, dont celle de Solagro et FranceAgriMer, explicitent clairement que le gisement de biomasse disponible est supérieur aux besoins identifiés pour 2035 a minima « et n'est pas concurrencé à court ou moyen terme par d’autres filières comme les biocarburants avancés dont les technologies sont à un stade très peu développé ». De son côté, l’association Coénove milite pour « une stratégie claire de priorisation de la biomasse pour favoriser la production des gaz verts et ses nombreuses externalités positives ». L’UFE réclame un plan d’électrification des usages  Dans le cadre de cette consultation, l’Union française de l’électricité (UFE) plaide également pour la mise en place « d’une fiscalité favorable à l’électrification des usages ». Le président de l’association représentante de la filière électrique en France l’avait déjà déclaré lors du colloque annuel de l’UFE : « Le grand enjeu pour nous est celui des usages de l’électricité. » Il plaide pour un plan dédié afin de favoriser les investissements et la lisibilité des industriels, notamment pour stimuler la demande. Car si l’offre de capacités renouvelables électriques se développe en France, la demande peine à décoller. La mise en œuvre de la transition énergétique "nécessite une progression forte de l'électrification de l'industrie, des transports, des bâtiments", souligne l'UFE en appelant à un plan d'électrification des usages intégrant les enjeux de pouvoir d'achat, de compétitivité et de souveraineté, "en capitalisant sur nos atouts énergétiques et industriels ." Organiser une « sobriété structurelle » Après avoir été au cœur du débat public au moment de la crise, la question de la sobriété est de moins en moins présente, estiment plusieurs associations et ONG dans leurs réponses à la consultation sur le projet de PPE. L’association négaWatt évoque « une forme de renoncement à maîtriser les consommations d’énergie » quand le Réseau action climat (RAC) appelle de son côté à « organiser la sobriété structurelle et les rénovations performantes » et plus globalement à « fournir les investissements nécessaires pour la réduction des consommations énergétiques ». La priorité « doit être donnée à la limitation des consommations d’énergie » indique l’ONG, que les mesures actuellement identifiées dans la SNBC3 « conduisent à un excès de 137 TWh de consommation d’énergie en 2030 » et qui demande de renforcer l’ambition en matière de mobilité, notamment dans l’aérien, pour que les exercices planification ne « soient pas des scénarios de plus ». Même constat du côté du CNTE et du CSE qui regrettent « la timidité » gouvernementale dans la volonté de réduire les ambitions. Dans leur très grande majorité, l’ensemble des filières estiment que la sobriété et l’efficacité énergétique seront des leviers « indispensables » pour réussir la décarbonation de nos usages.

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