Précarité énergétique, tous concernés !

Publié le 12/11/2024

6 min

Publié le 12/11/2024

Temps de lecture : 6 min 6 min

Hausse des coûts de l’énergie, inflation, logements insalubres et mal isolées, aléas climatiques, les causes de la précarité énergétique sont multiples et sont devenus le reflet d’une France qui se paupérise toujours plus. Elle touche aujourd’hui près 12 millions de Français, notamment les femmes et les étudiants. En 2022, près d’un Français sur cinq était en situation de précarité énergétique, un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur selon les données de l’ONPE.

Par Laura Icart

 

La précarité énergétique est un défi de société majeur. C’est un phénomène qui touche 12 millions de personnes en France, soit 5,6 millions de ménages. Pour rappel, ils étaient 3,5 millions en 2019. Les associations se disent inquiètes pour l’hiver à venir car ce fléau, qui a des conséquences importantes sur le budget des Français mais aussi sur leur santé, continue de s’aggraver. Une vingtaine d’associations et d’organisations se réunissent le 12 novembre sous la bannière de la Journée de lutte contre la précarité énergétique, comme la Fondation Abbé-Pierre, le Secours catholique, le Réseau action climat (RAC), le collectif Rénovons ou encore le Cler – Réseau pour la transition énergétique et le collectif Stop exclusion énergétique. « 2023 a vu une augmentation inquiétante du nombre de personnes déclarant souffrir du froid ou de chaleur excessive dans leur logement » ont-ils rappelé devant la presse alors que pour la première fois l’année dernière, plus d’un million de ménages ont subi des coupures ou des réductions de puissance pour impayés de factures d’énergie.

La pauvreté s’accentue en France

« La précarité énergétique, c’est d’abord une réalité humaine » souligne le Secours catholique qui estimait en 2020 que sur les 1,5 million de personnes qu’elle accompagne, 38,2 % des impayés concernent les factures d’énergie : c’est presque 10 % de plus en 2022. L’année dernière, 46 % des impayés concernaient les factures de gaz et d’électricité, soit plus que les impayés liés aux logements. En 2022, « 36,6 % des femmes adultes de nationalité française rencontrées en milieu rural à habitat dispersé expriment une demande relative au loyer, aux factures, à l’énergie ou à l’eau » indique le Secours catholique. C’est d’ailleurs le deuxième poste d’aide financière octroyée par l’association. En 2022, la forte inflation sur  l’alimentation (+ 6,8 % en 2022) et l’énergie (+ 23,1 %) a accentué la pauvreté dans notre pays. Le Secours catholique estime que de plus en plus de Français qui se présentent à eux ne peuvent plus payer leurs factures d’énergie, avec un risque accru de voir basculer des milliers de personnes supplémentaires dans la pauvreté. « Quand l’équilibre du budget tient à 10 euros près, aucune marge n’existe » notait l’association dans son rapport statistique annuel « État de la pauvreté en France 2023 » publié Il y a un an, alors que la pauvreté de manière générale continuait de s’aggraver en France. 58 % des Français craignent de basculer à court terme dans la précarité. Les femmes seules avec ou sans enfants en sont les principales victimes. Aux conséquences sociales s’ajoutent des conséquences sanitaires, avec des pathologies souvent respiratoires liées au froid, à l’humidité et à la propagation de la moisissure.

30 % des ménages déclarent avoir souffert du froid

Près d’un tiers des ménages déclarent avoir souffert du froid pendant au moins 24 heures dans leur logement. Ils étaient 14 % en 2020 selon le médiateur de l’énergie. Fait notable, « la part de ceux qui restreignent systématiquement le chauffage a augmenté de 10 % en un an » pour s’établir à 70 %. Même si les hivers sont de moins en moins rigoureux, la France a davantage froid qu’il y a 10 ans. La hausse des foyers ayant souffert du froid s’élève à 30 %. Elle a augmenté de plus de 18 % par rapport à 2020. Comme les années précédentes, les moins de 35 ans (43 %), les locataires (37 %), les employés (42 %) et les ouvriers (39 %) sont ceux qui déclarent avoir souffert du froid l’hiver dernier. « La limitation financière est la principale raison justifiant la souffrance liée au froid, vient ensuite la mauvaise isolation qui concerne davantage les locataires » indique le baromètre. Ils sont 42 % à déclarer avoir souffert de la chaleur dans leur logement pendant au moins 24 heures en 2024. Près de 75 % des foyers réduisent leur chauffage pour ne pas avoir de factures trop élevées, soit 6 % de plus qu’en 2022, dans un pays qui compte plus de 4,8 millions de passoires thermiques (classe F et G) sur le territoire métropolitain. Fait nouveau : les interventions pour impayés se sont succédées en 2023 et ont dépassé le million, dont plus de 178 000 ont mené à des coupures et à des réductions de puissance.

Un impact avéré sur la santé

Quasi 50 % des adultes exposés à la précarité énergétique souffrent de migraines et 22 % de bronchites chroniques contre 32 % et 10 % des personnes qui n’y sont pas exposées, indiquent les associations de lutte contre la précarité énergétique. Une précarité qui touche également les enfants : les plus exposés souffrent à 30 % de sifflements respiratoires, contre 7 % chez les autres. Outre les risques sanitaires pour chauffer des logements bien souvent vétustes, l’humidité et les moisissures ont « des impacts sanitaires multiples ». Selon le ministère de la Transition écologique, la rénovation des 1,7 million de passoires énergétiques du parc locatif privé d’ici à 2028 et des 1,9 million de logements dont le DPE est classé E d’ici 2034 « permettrait de prévenir le décès de 10 000 personnes ». France Stratégie estimait dans une étude publiée en 2022 que 30 % de la surmortalité hivernale serait due à l’inefficacité énergétique des logements, soit 10 350 décès par an.

Pas de procrastination pour la rénovation

La rénovation énergétique demeure un enjeu majeur. Si le gouvernement évoquait 650 000 rénovations en 2022, grâce notamment au succès non démenti de Ma prime rénov’, il n’empêche que le rythme des rénovations globales, les seules à être vraiment efficaces tant sur le porte-monnaie que sur le climat, est plus modeste : 66 000 enregistrées en 2022. Sur l’ensemble de ses programmes, l’Anah a financé la rénovation de 623 790 logements en 2023, via 3,12 milliards d’aides distribuées. Si le nombre de rénovations énergétiques aidées en 2023 diminue de 15 % par rapport à l’année précédente, « le nombre de rénovations d’ampleur a progressé » quant à lui de plus de 8 % (71 613 contre 65 939 en 2022). « La rénovation thermique des logements est la meilleure solution pour lutter contre la précarité énergétique » reconnaissent volontiers les associations mais « il faudra du temps » et en attendant des dispositifs doivent être mis à disposition des plus fragiles, à commencer par le triplement du chèque énergie, soit un montant moyen de 450 euros pour aider les plus modestes, et la fin des coupures électriques, peu importe la période.