Quatre points à retenir sur le développement du bioGNV en France

En 2022, le bioGNV représentait près de  26 % des consommations de GNV en France. La filière vise 50% en 2025 et 100% en 2030.

Publié le 16/11/2023

8 min

Publié le 16/11/2023

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En 2022, le biogaz carburant (bioGNV) représentait près de 26 % des consommations de GNV en France, en hausse de 28 % malgré une année particulièrement compliquée pour la filière en raison de la crise des prix. Aujourd’hui, la filière représentée par France mobilité biogaz (ex-Association française du gaz naturel véhicule) souhaite réaffirmer son engagement d’atteindre 100 % de bioGNV produit et consommé sur le territoire français d’ici 2033 et « même avant », notamment grâce à l’essor de la production de biogaz et via l’intégration du bioGNV dans le mécanisme de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert).

Par Laura Icart

 

Dans le paysage des carburations alternatives (électricité, biocarburants, bioGPL, hydrogène), le biogaz carburant est devenu en quelques années une solide référence pour de nombreux acteurs : transporteurs et collectivité en tête. Aujourd’hui, « il ne s’agit plus d’installer la technologie du gaz carburant dans le transport routier français : l’écosystème de la filière est en place – véhicules, réseau de stations, volumes » souligne France mobilité biogaz dans son communiqué, car « c’est déjà fait », mais il s’agit davantage de créer toutes les conditions pour déployer sur le territoire une offre 100 % bioGNV d’ici 2033, alors que les infrastructures se sont beaucoup développées en quelques années et que beaucoup de collectivités ont fait le choix d’intégrer dans leurs flottes des bus, et de transporteurs des camions roulant au bioGNV. La principale éclaircie en cette fin d’année, au-delà de la baisse des prix, est l’intégration du bioGNV dans le mécanisme de la Tiruert : « un vrai catalyseur, un vecteur d’accélération du verdissement de la filière pour les années à venir » nous confirme Régis Gaignault, secrétaire général de France mobilité biogaz, après une année compliquée pour la filière, avec des acteurs confrontés à une hausse des prix du bioGNV (corrélés à ceux du gaz fossile), des camions à l’arrêt et certains projets retardés.

Un développement concret sur les territoires

Sur le papier, le bioGNV coche de nombreuses cases : produit et distribué dans nos territoires, c’est une énergie vertueuse et une solution immédiatement disponible pour les transporteurs. De nombreuses collectivités et régions misent sur le bioGNV pour décarboner leurs flottes. C’est le cas de l’Île-de-France qui s’est engagée avec Île-de-France Mobilités et la RATP dans un ambitieux programme de conversion de sa flotte de bus (Bus2025), dont 70 % rouleront d’ici 2029 au bioGNV. À Lille, à Paris, à Dax, à Chamonix ou encore Toulon, les bus roulant au biogaz se déploient et s’imposent comme une alternative économique et écologique. Dans toutes les régions, la consommation de gaz naturel carburant augmente. En Île-de-France, la région où il y a, et de très loin, le plus grand volume de GNC consommé, cette part a augmenté en 2022 pour atteindre près d’1 TWh. Le podium est complété par les Hauts-de-France (301 GWh) et Auvergne-Rhône-Alpes (354 GWh). Elle est en augmentation dans toutes les régions françaises. Aujourd’hui, 329 points d’avitaillement sont ouverts au public et 47 sont en projet (entre fin 2023 et 2024), complétés par plus de 350 stations privatives destinées à alimenter les flottes captives. Plus de 36 000 véhicules roulent au gaz carburant dans notre pays, principalement des bus (9 863) et des camions (10 475). C’est une « approche pragmatique de la décarbonation » estime France mobilité biogaz, avec des effets immédiats sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur l’amélioration de la qualité de l’air.

26 % de bioGNV en 2022

En 2022, plus d’un million de garanties d’origines (GO) ont été valorisées sous forme de bioGNC (gaz naturel comprimé) contre 460 000 l’année précédente selon GRDF, illustrant la volonté des acteurs de décarboner leurs usages via du biogaz carburant. La consommation de GNV (GNC + bioGNC + GNL) s’établit en 2022 à 4 118 TWh, en hausse de 30 % par rapport à l’année 2021. « En cinq ans, les ventes de bioGNV-GNV ont été multipliées par 2,5 et celles de GNL, utilisé pour les transports longue distance, ont été multipliées par 3 » indiquait France mobilité gaz dans son panorama annuel publié en juin dernier. La part du bioGNV dans le GNV est passée à 25,9 % en 2022. Elle représente aujourd’hui près d’1 TWh sur les 4 consommés en France. La part du bioGNC est passée de 19,6 % en 2021 à quasi 36 % en 2022, affichant la croissance la plus importante jamais enregistrée par la filière. Filière qui estime qu’elle sera en mesure de distribuer 50 % de bioGNV dans le GNV en 2025, soit le double d’aujourd’hui et 100 % en 2033.

La Tiruert, le nouveau souffle

En 2022, le GNV-bioGNV a subi « de plein fouet l’écart parfois très important entre les prix du gaz et ceux du gazole », affaiblissant la compétitivité de la filière qui était dans une dynamique croissante ces dernières années. La filière réclame davantage de « lisibilité réglementaire » pour maintenir la dynamique d’investissement sur sa chaîne de valeur. En octobre, la bonne nouvelle est venue de l’Assemblée nationale qui a adopté dans son projet de loi de finances 2024 un amendement intégrant le bioGNV dans le mécanisme de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert). Concrètement, cela signifie que le bioGNV intègre un nouveau système, une nouvelle Tiruert, reposant sur des objectifs en intensité carbone, qui valorisera directement les émissions de CO2 évitées, et non en volume, comme dans le cadre de la Tiruert « classique ». Ce nouveau système, qui coexistera avec l’actuel, entrera  en application au 1er janvier 2025. « Le tarif de la taxe est défini pour chaque année. Il est, pour l’année 2025, de 100 euros par tonne » précise l’amendement. « Le pourcentage national cible de réduction de l’intensité d’émission de gaz à effet de serre dans les transports est de 5 % en 2025 » est-il encore précisé. À terme, le système en intensité carbone a vocation à remplacer le système en volumes précise France mobilité biogaz qui se réjouit de cette avancée majeure pour la filière et pour l’atteinte des objectifs de décarbonation du transport à l’horizon 2030, même si l’association regrette que sa mise en place effective soit « différée en 2025 ».

Le règlement européen sur le CO2 : pas de prise en compte du bioGNV ?

Si la filière s’inquiète de la lisibilité de certaines politiques publiques pour permettre le déploiement et le maillage des territoires en France, il y en a un règlement européen, toujours en cours de discussion à Bruxelles, qui inquiète l’ensemble la filière européenne du gaz carburant et plus généralement celle des transports : c’est la révision du règlement sur les normes d’émission de CO2 pour les véhicules lourds neufs dans l’UE, présenté par la Commission en février 2023 et dont le vote au Parlement aura lieu mardi prochain. La Commission a proposé un objectif de zéro émission à partir de 2030 pour les bus urbains neufs et une réduction de 90 % des émissions pour les camions neufs d’ici à 2040. Si le Conseil a depuis baissé l’objectif de 2030 pour les nouveaux autobus urbains à 85 % de véhicules zéro émission, et reporté l’objectif de 100 % à 2035, toutes les carburations alternatives à l’exception de l’électrique et de l’hydrogène s’en trouvent exclues. La filière du bioGNV, qui milite depuis plusieurs années pour une approche en analyse de cycle de vie, « du puit à la roue », jugée trop complexe pour la mise en œuvre d’un mécanisme par l’exécutif bruxellois, pousse désormais un autre dispositif : le Carbon Correction Factor (CCF) qui conserve une logique de calcul à l’échappement mais permet de venir corriger le contenu carbone via l’incorporation de bioGNV ou de biocarburants. Une méthode scientifiquement moins complète que l’ACV mais qui aurait le mérite selon les acteurs de la filière de reconnaître la pertinence de l’ensemble des carburants renouvelables issus de la biomasse, tels qu’ils sont déjà reconnus dans la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED).