Réindustrialisation : la dynamique ralentit en France

Le secteur du transport est confronté à des difficultés, et plus particulièrement l’automobile qui compte 17 des 18 fermetures du secteur depuis le début de l’année. ©Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

Publié le 08/11/2024

6 min

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La France connaît un ralentissement de la dynamique de réindustrialisation au premier semestre indique le 7 novembre le ministère de l’Économie et des finances en publiant les résultats de son deuxième baromètre industriel de l’État. Après une « dynamique croissante et forte » en 2023, le but de l’année 2024 connaît « une décélération » reconnaît Bercy, même celle-ci « poursuit bien » la trajectoire de réindustrialisation fixée par le président de la République.

Par Laura Icart

 

Ce nouveau baromètre doit permettre « de mesurer l’évolution industrielle du pays ». Réalisée par la direction générale des entreprises (DGE) à Bercy avec l’appui des services de l’État en région, les résultats obtenus montrent que la dynamique industrielle a légèrement ralenti au premier semestre 2024 alors qu’en 2023 la France avait ouvert 189 sites industriels contre 176 en 2022. L’agroalimentaire et l’industrie verte avaient été les principaux piliers de cette croissance. Sur le premier semestre 2024, on observe une hausse modérée des ouvertures et extensions de sites industriels, avec 36 ouvertures nettes, en nette baisse par rapport au premier semestre 2023. Néanmoins, le mouvement de réindustrialisation est « clairement lancé, insiste l’entourage d’Antoine Armand, lors d’un échange avec la presse, avec plus d’usines aujourd’hui en France qui ouvrent par rapport à celles qui ferment ». Un baromètre qui met également en lumière « de fortes disparités sectorielles » avec des secteurs qui rencontrent des difficultés plus importantes comme celui de l’automobile. « C’est un secteur en mutation » reconnaît le cabinet du ministre qui évoque des « avancées significatives » avec l’ouverture notamment de Symbio en juin dernier.

La réindustrialisation, un défi nécessaire

Refaire de la France une grande nation industrielle à l’heure de l’urgence climatique – en 1973 l’industrie représentait 22 % de la richesse nationale contre à peine 11 % aujourd’hui – constitue un véritable défi autant qu’une nécessité. Dans une note publiée en mars 2023, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) indique qu’entre 1970 et 2021, la part en France du secteur manufacturier dans le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 23 à 10 % et celle dans l’emploi de 29 à 11 %. « On a eu, pendant les 40 dernières années, près de 50 000 emplois industriels en moins chaque année. Ces emplois sont évidemment dans nos territoires, ce sont des emplois dans l’industrie qui sont normalement bien payés et du coup, ce sont évidemment plusieurs années de déclin extrêmement importants » soulignait l’Élysée en mai 2023. Cet outil est bon indicateur « pour capter les des réalités du terrain et adapter les politiques publiques en faveur de la réindustrialisation » indique la DGE.

Un solde de 36 ouvertures nettes

Au premier semestre 2024, l’Hexagone a enregistré 125 ouvertures et extensions significatives, comprenez une hausse d’au moins 40 % de la valeur ajoutée, des effectifs ou de la production, contre 89 fermetures ou réductions de sites, soit un solde net de 36 ouverture contre 105 au premier semestre 2023. Une inflexion qui s’explique selon la cabinet d’Antoine Armand par « des facteurs à la fois conjoncturels et structurels comme les effets post-pandémiques, la crise énergétique ». Pour expliquer la fermeture de sites de fabrication en France, Michelin évoquait notamment les prix de l’énergie, « mais aussi un environnement international particulièrement concurrentiel » qui fragilise certaines filières. Si l’on s’en tient aux ouvertures nettes stricto sensu, elles sont au nombre de 51 contre 105 l’année précédente, soit une baisse de 16 %. « Nous ne parlons que des ouvertures effectives, les annonces ne sont pas comptabilisées » précise Bercy.

L’industrie verte en fer de lance

D’un point de vue sectoriel, les industries vertes et l’économie circulaire, qui comprennent l’ensemble des industries du recyclage, des batteries, de l’hydrogène, des renouvelables (éolien, biogaz, solaire…), arrivent en tête en termes d’ouvertures nettes de sites : + 17, contre 29 sur l’ensemble de l’année 2023. « Un secteur en expansion qui va de pair avec la transformation de notre appareil productif » précise le cabinet. « Près de 60 % des implantations industrielles concernent la chaîne de valeur des technologies de production d’énergie décarbonée » indique le baromètre. En deuxième position, les biens de consommations (+ 8) en données nettes. À noter que ce secteur a connu au premier trimestre 2024 16 ouvertures pour huit fermetures. Suivent les secteurs de la santé (+ 5), de l’électronique (+ 3) et de la métallurgie (+ 3). Les secteurs les plus énergo-intensifs connaissent une nette décélération : la plasturgie (- 3) et le transport (- 7) représentent la majorité des fermetures dans le solde net de la relève. Le secteur du transport est confronté à des difficultés, « et plus particulièrement l’automobile qui compte 17 des 18 fermetures du secteur dont les 11 ouvertures ne contrebalancent pas suffisamment pour obtenir un solde net positif » précise le baromètre.

L’Auvergne-Rhône-Alpes en pôle position

La répartition des nouveaux sites industriels est très homogène sur le territoire et ce ne sont pas forcément les régions les plus « industrielles » qui arrivent en tête du classement. À l’exception notable de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui concentrait près de 30 % de la totalité des ouvertures en 2023 avec 73 sites et qui poursuit cette dynamique forte en 2024 en étant la plus motrice avec 20 ouvertures nettes au premier semestre. « Une région à la tradition industrielle forte » indique Bercy qui investit également dans l’industrie verte. Le territoire rhodanien par exemple possède l’intégralité de la chaîne de valeur de production des gaz renouvelables sur son sol, soit près de 200 entreprises. La Nouvelle-Aquitaine arrive en deuxième position avec 13 ouvertures nettes. Elle avait ouvert 30 sites sur l’ensemble de l’année 2023. Suivent ensuite l’Occitanie (+ 5), le Centre-Val-de-Loire (+ 3) et la région Bourgogne Franche-Comté (+ 3). « Bien que les territoires de l’Est et du Nord de la France accusent une baisse des ouvertures nettes, elles restent des régions attractives où des sites à forte valeur ajoutée ont ouvert leurs portes » précise le baromètre tandis que les régions des Hauts-de-France et Grand Est affichent toutes les deux un solde négatif (- 3). Dans ces régions manufacturières, la transformation est plus longue mais elle est « clairement en route ».