Ressources planétaires : le 5 mai marque le « jour du dépassement » de la France

Le lynx boréal fait partie des sept espèces sentinelles et parapluies d'animaux, d’insectes et de plantes emblématiques des paysages français et témoins de la bonne santé de ses écosystèmes sélectionné par le WWF.

Publié le 05/05/2022

6 min

Publié le 05/05/2022

Temps de lecture : 6 min 6 min

Si toute l’humanité vivait comme les Français, elle aurait consommé ce 5 mai toutes les ressources que la planète peut renouveler en un an a annoncé WWF, « environ cinq mois plus tôt qu’en 1961 » précise l’association. L’ONG environnementale estime cependant que notre pays a les moyens de faire reculer ce « jour du dépassement » de 25 jours d’ici 2027 et attend des actions fortes du président réélu qui a promis de faire de la France une “grande nation écologique”.

Par Laura Icart, avec AFP

 

Le 5 mai 2022, c’est la date à laquelle la France a émis « plus de gaz à effet de serre, pêché plus de poissons, abattu plus d’arbres, cultivé et bétonné plus de terres que ce que les écosystèmes sont capables de lui fournir ou d’absorber » annonce le WWF dans une vidéo. Une réalité qui n’est cependant pas une fatalité pour l’ONG.

Le jour du dépassement, késako ?

Chaque année, l’ONG américaine Global Footprint Network calcule le « jour du dépassement » pour le monde en croisant l’empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritimes nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la « biocapacité » de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l’Homme, notamment la séquestration du CO2). Depuis les années 1970, la date du jour du dépassement se dégrade : le 29 décembre en 1970, le 11 octobre en 1990, le 29 juillet en 2019. En 2020, en raison des confinements liés à la pandémie de Covid-19, cette date avait été repoussée de trois semaines par rapport à 2019 (soit le 19 août). L’année 2021 marque le retour au niveau pré-crise sanitaire, soit au 29 juillet. Pour tenir le rythme de notre consommation actuelle de ressources, il faudrait cette année 1,7 Terre pour subvenir de façon durable aux besoins de la population mondiale. Cet indice, qui vise à illustrer la consommation d’une population humaine en expansion sur une planète limitée, se décline également par pays. Ce sont plus de 15 000 points de mesure par pays et par an qui permettent au Global Footprint Network de calculer le jour du dépassement annuel des pays analysés. Nos voisins allemands ont par exemple atteint le jour du dépassement le 4 mai, soit un jour avant nous, loin derrière les pays du Bénélux qui ont respectivement atteint leur jour du dépassement le 26 mars pour la Belgique, soit une semaine plus tôt que l’année dernière, le 14 février pour le Luxembourg et le 12 avril pour les Pays-Bas.

2,9 Terres pour subvenir aux besoins des Français

Cette année, le jour du dépassement pour la France tombe le 5 mai, environ cinq mois plus tôt qu’en 1961. Ce qui signifie concrètement qu’en 2022, il aura fallu à notre pays seulement quatre mois pour consommer tout ce que la nature est en capacité de régénérer en une année. « Si le monde entier consommait aujourd’hui comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir aux besoins des habitants » précisent Global Footprint et son partenaire WWF. Cet écart n’a cessé de se creuser depuis 60 ans. « Tous les présidents de la Ve République ont laissé l’empreinte écologique du pays se dégrader. En moyenne, selon les données utilisées chaque année par le Global Footprint Network, entre 1981 et 2007, le jour du dépassement a avancé de 10 jours à l’issue de chaque mandat », a dénoncé WWF France dans un communiqué. Mais « bonne nouvelle : nous n’y sommes pas condamnés« , a souligné sa présidente d’honneur Isabelle Autissier en évoquant la possibilité de faire « beaucoup mieux et aller beaucoup plus vite que tout ce qui a pu être réalisé depuis 60 ans », d’autant que, « avec la transition écologique, les opportunités ne vont pas manquer ».

« Un quinquennat pour réussir face à la crise écologique »

Trois scénarios prospectifs ont été étudiés : le « laisser aller », les « engagements déjà pris » et la « planification écologique ». Dans cette nouvelle étude, l’ONG estime ainsi que le nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron « peut renverser la tendance » en s’appuyant sur la « planification écologique ». Dans ce scénario que le WWF a présenté au gouvernement, le jour du dépassement pourrait reculer comme il n’a jamais reculé en un mandat : du 5 mai (en 2022) au 30 mai (en 2027). La France gagnerait près de 25 jours et permettrait aussi de soutenir « 1,2 million d’emplois grâce aux investissements effectués dans la transition écologique » et de « sauver 28 000 vies humaines de la pollution de l’air » estime WWF. Cependant, cela impliquerait une planification et un financement de la transition dans tous les secteurs, avec des objectifs et des mesures « plus ambitieux qu’actuellement » : notamment diviser par deux l’utilisation de pesticides, parvenir à 25 % de terres cultivées en bio, réaliser 700 000 rénovations complètes chaque année, soutenir les alternatives à la voiture, faire baisser de 20 % la consommation de protéines animales, accélérer le développement des énergies renouvelables. Rappelons que la France est déjà en retard sur objectif de 2020 puisque la part des renouvelables ne représente que 19,1 % dans notre consommation brute d’énergie alors que l’Hexagone visait les 23 %. Le président du Syndicat des énergies renouvelables n’hésite d’ailleurs pas à parler de  « plan de bataille » pour inverser la tendance. Dans ce scénario, la consommation finale diminue grâce à de meilleures sobriété et efficacité énergétiques. Dans le scénario « engagements déjà pris », qui correspond à l’application des lois et objectifs déjà formalisés ces cinq dernières années (stratégie nationale bas carbone, lois mobilité, alimentation, anti-gaspillage, climat…), la France gagnerait trois jours, pour atteindre la date du 8 mai en 2027. Pour la partie énergie, elle s’appuierait sur davantage de renouvelables dans la production d’électricité pour remplacer progressivement les énergies fossiles avec une consommation finale qui diminue en actionnant le levier de l’efficacité énergétique. Enfin, dans un scénario du « laisser-aller » le jour du dépassement avancerait au contraire de deux jours, au 3 mai en 2027 : le développement des énergies renouvelables serait modéré tandis que la consommation d’énergies fossiles et notamment des importations de gaz naturel serait maintenue, avec une consommation finale en stagnation.

Crédit : Shutterstock.