Simplification : les députés votent la suppression des zones à faibles émissions (ZFE)

©Leitenberger Photography / Shutterstock

Publié le 26/03/2025

5 min

Publié le 26/03/2025

Temps de lecture : 5 min 5 min

La commission spéciale chargée d’étudier le projet de loi de « simplification » a voté mercredi la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), censées pousser les automobilistes à acheter des véhicules moins polluants, mais qui pénaliseraient les ménages modestes selon certains politiques. Si sur le papier les ZFE répondent à une problématique de santé publique, sur le terrain, les crispations, dans un contexte économique difficile, ne cessent de prendre de l’ampleur.

Par la rédaction, avec AFP

 

En France, depuis plusieurs années, le dispositif des zones à faibles émissions mobilité (ZFEm) issu de la loi d’orientation des mobilités et renforcé par la loi climat et résilience, est au cœur de l’actualité. « Bombe sociale » pour les uns, « parfaitement efficace » pour les autres, la mise en place des ZFE dans les grandes agglomérations françaises est source de tensions entre l’État et les collectivités et de beaucoup d’incompréhensions parmi les Français. Suppression, moratoire, assouplissement : depuis le début de leur déploiement, les ZFE crispent et ce malgré les multiples rapports et propositions de loi qui ont déjà été mis sur la table. Si les ZFE constituent un outil majeur pour réduire la pollution atmosphérique, les députés de la commission spéciale ont voté pour leur suppression, estimant que la plupart des Français, notamment dans les zones rurales, considéraient ce dispositif comme « injuste et antisocial ». « Dans les deux agglomérations où les ZFE sont effectives, soit celles de Lyon et Paris, la concentration de dioxyde d’azote a été réduite de plus d’un tiers. Il est donc important sur ces sujets de s’assurer que les élus locaux disposent bien d’outils au service de cette politique de santé publique » a souligné Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique regrettant  le  vote des députés en commission pour supprimer les ZFE mais qui a annoncé « une initiative commune dans les prochains jours »  avec Catherine Vautrin et François Rebsamen  « afin de poursuivre cet objectif de protection de la santé des Français. »

 

« Une bombe sociale »

Les députés ont adopté, contre l’avis du gouvernement, des amendements identiques de LR et du Rassemblement national, avec certaines voix des groupes macronistes, Horizons et des indépendants de Liot, et l’abstention de plusieurs députés de gauche. Initiées en 2019 et étendues en 2021, ces ZFE affichent l’objectif d’améliorer la qualité de l’air et de limiter les émissions de particules fines, responsables de maladies respiratoires et de 40 000 décès par an selon Santé publique France. Un objectif « louable (mais) les ZFE exacerbent les inégalités sociales en pénalisant les ménages à revenus modestes (…) contraints de choisir entre des coûts supplémentaires importants pour acheter un nouveau véhicule propre ou renoncer à se déplacer« , a critiqué Ian Boucard (Droite républicaine) au nom de son groupe. « Elles sont inutiles pour améliorer la qualité de l’air et créent une forte blessure sociale, un séparatisme territorial« , a avancé Pierre Meurin (RN) également auteur d’un amendement.  « Un certain nombre d’expériences, en particulier à l’étranger, ont montré que les ZFE avaient un effet (…) sur la réduction des émissions« , a pour sa part estimé le ministre de l’Industrie et de l’énergie Marc Ferracci, appelant à « se doter d’évaluations » avant de légiférer. Dans les faits, plusieurs études montrent que les ZFE ont permis une réduction significative des émissions de NO₂ (un des polluants les plus problématiques dans les zones urbaines) et des particules fines (PM10, PM2,5), comme à Paris où l’instauration de la ZFE a permis de réduire les concentrations de NO₂ de près de 10 % dans certains quartiers, ou en Espagne, dans des villes comme Madrid où les ZFE ont permis de réduire la pollution de l’air de 15 % sur les zones concernées. Une étude menée par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estime qu’en France, les ZFE pourraient contribuer à « éviter près de 1 000 décès prématurés par an liés à la pollution de l’air« . La réduction des polluants pourrait également diminuer de 5 à 10 % les maladies respiratoires dans les zones à forte concentration de trafic.

Un manque d’accompagnement « criant »

L’écologiste Charles Fournier a lui reconnu que « la manière de mettre en oeuvre les ZFE ne fonctionne pas« . Mais il a appelé à ne pas faire de la loi simplification une loi de fin du code de l’environnement, alors que les députés ont adopté d’autres mesures assouplissant le zéro artificialisation nette ou la construction de grands projets d’infrastructures. « Les ZFE ont été développées sans aucun développement des alternatives efficaces à la voiture individuelle« , a déploré pour sa part Sandrine Nosbé (LFI), qui s’est abstenue comme d’autres députés de son groupe, l’ex-insoumis Hendrik Davi (groupe écologiste), ou la socialiste Mélanie Thomin.

Plus tôt, les députés ont adopté un autre article important du texte qui vise à simplifier le déploiement de centres de données sur le territoire mais qui, dans sa version amendée, permettrait aussi à davantage de projets d’infrastructures de bénéficier d’un avantageux régime d’intérêt national majeur. Ils ont également validé un amendement renforçant les possibilités de conférer à des projets une « raison impérative d’intérêt public majeur« , notion au coeur d’une récente décision de justice hostile à l’autoroute A69 dans le Tarn. Les députés ont également adopté des amendements pour desserrer les contraintes des collectivités sur l’artificialisation des sols (ZAN).