ZAN : le gouvernement veut assouplir les règles

Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sous la pression des activités humaine. La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050 et établi un premier objectif intermédiaire de réduction par deux de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. ©Shutterstock

Publié le 20/11/2024

6 min

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Michel Barnier a annoncé que le gouvernement allait soutenir une proposition de loi visant à assouplir la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) pour lutter contre la bétonisation, promettant de trouver « un chemin » entre sobriété foncière et besoins des territoires. Hier, la ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin, avait ouvert la porte à un assouplissement des règles alors que le ZAN qui vise à diviser par deux le rythme d’artificialisation d’ici 2031 par rapport à la période 2011-2021 et à 0 d’ici à 2050  relevait du casse-tête pour de nombreux élus qui jugent l’ambition très éloignée « des réalités et dynamiques locales ».

Par Laura Icart, avec AFP

 

Refonte du calendrier, exclusions de certains projets du dispositif, simplification… Le Premier ministre avait donné le ton lors de son discours de politique générale et affirmé sa volonté d’« adapter la mise en œuvre du zéro artificialisation nette ». Ce dispositif issu de la loi climat et résilience de 2021 doit diviser par deux le rythme d’artificialisation d’ici à 2031 ; d’ici 2050 le zéro artificialisation nette devra être atteint. Chaque année, ce sont « entre 20 000 et 30 000 hectares qui sont artificialisés dans notre pays » indique le ministère de la Transition écologique. Une mesure qui devait également permettre de favoriser les puits de carbone puisque « la nature absorbe chaque année 30 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine ». Mais trois ans après, ce dispositif théorique inquiète la majorité des élus locaux présents au Salon des maires, qui n’hésitent pas à qualifier le ZAN de « mortifère pour les territoires ruraux ».

Un ZAN « inapplicable » ?

« Nous pouvons sans doute nous donner de la souplesse sur la base de contractualisation locale, pour mieux concilier le développement des territoires et l’objectif de sobriété », estimait début octobre le Premier ministre, tout en affirmant qu’il ne souhaitait pas « remettre en cause cette politique dans son essence ». Ce 20 novembre, lors des questions au gouvernement, le Premier ministre a annoncé que ce dispositif serait assoupli et qu’il soutiendrait la proposition de loi sur le sujet déposée le 13 novembre par les sénateurs  Guislain Cambier (Union centriste) et Jean-Baptiste Blanc (LR). « La stratégie qui a été posée (…) est centralisatrice, arithmétique, et de ce fait elle est injuste pour les territoires qui sont déjà engagés en faveur de la sobriété foncière« , déclarait en octobre lors d’un point presse le sénateur centriste du Nord Guislain Cambier. « La législation, la réglementation enserrent les maires dans un carcan et (…) ils ne peuvent plus exercer cette mission qui est aussi la leur, d’être des maires bâtisseurs« , a déclaré le Premier ministre devant le Sénat. Ce texte « va nous permettre de faire des ajustements, des assouplissements, toujours avec pragmatisme, sur l’application du ZAN« , qui vise à stopper l’étalement urbain d’ici à 2050, a ajouté Michel Barnier. Mais « il faudra aussi nous assurer que l’objectif reste effectif », a insisté le Premier ministre, alors que la mesure phare de la proposition sénatoriale entend supprimer un objectif intermédiaire visant à diviser par deux le rythme d’artificialisation au cours de la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente. « Aujourd’hui, le constat est clair : si nous sommes tous conscients de l’importance de la sobriété foncière, la loi climat et résilience, instaurant le ZAN est, en l’état, inapplicable« , a martelé de son côté le président du Sénat Gérard Larcher lors du congrès des maires mercredi.

Des objectifs trop éloignés des réalités locales selon le Sénat

La France est le seul pays de l’Union européenne à avoir inscrit des objectifs chiffrés de réduction de l’artificialisation dans la loi regrettait le rapport sénatorial sur le sujet.« Ne faudrait-il pas, plutôt qu’un objectif chiffré à la fois contraignant et illusoire, réaffirmer un objectif général de sobriété foncière ambitieux mais moins coercitif ? Pourquoi ne pas orienter en ce sens les choix d’aménagement du territoire et d’urbanisme, grâce à des outils financiers, fiscaux et juridiques permettant d’atteindre cet objectif sans sacrifier les autres priorités de l’action publique locale ? » Les sénateurs évoquaient également des objectifs fixés « sans véritable étude d’impact et une démarche descendante éloignés de la réalité des territoires ».

Garder le cap mais changer le nom

Tendre vers davantage de sobriété foncière sans tomber dans un calcul d’apothicaire au mètre carré près : le débat sur la bonne méthode à adopter pour arrêter de bétonner les terres agricoles a animé mardi la première journée de ce congrès annuel. En attendant l’examen de la proposition sénatoriale, le Premier ministre a promis de prendre « plusieurs dispositions pour apporter des souplesses avant même le vote de ce texte« . Il a ainsi invité les préfets « à se saisir de la circulaire dite des 20 % qui permet de donner des marges supplémentaires aux collectivités qui en ont besoin immédiatement« , et promis de « modifier aussi les décrets pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus considérés comme des surfaces artificialisées« . Il a également suggéré, comme la droite sénatoriale, de changer le nom du dispositif ZAN pour symboliser ce « nouvel état d’esprit« . La proposition de loi du Sénat « est inacceptable car elle remet en cause la trajectoire du ZAN« , a réagi auprès de l’AFP le sénateur écologiste Ronan Dantec, qui promet d’être « vigilant« . « Mais je note que Michel Barnier ne remet en cause à aucun moment cette trajectoire« , a-t-il ajouté.

Le Premier ministre a aussi promis de considérer l’avis de l’Assemblée nationale, qui a lancé une mission d’information sur le sujet. Michel Barnier est attendu ce jeudi au congrès des maires où il viendra accompagné de 14 ministres. Devant le Sénat mercredi, il a multiplié les prises de positions vis-à-vis des élus locaux, promettant notamment de « réduire le poids de l’effort » demandé aux communes dans le budget parce que « dans certains cas, il n’était pas juste« .